J’ai accompagné Suzanne sur 12 séances.
Elle est avocate et partage son cabinet avec trois associés. Elle me sollicite « parce que si ça continue, je vais dans le mur ». Lucide, Suzanne.
En effet : 7 jours sur 7 au travail, entre le tribunal, le suivi des clients, la préparation des dossiers, les sollicitations des collaborateurs, les mails tard le soir à répondre… Le mur est déjà entamé, en vrai.
Vie de famille ? Non, ou presque :
une fille restée avec son père suite à un divorce, qu’elle voit 4 fois par an, pour des « vacances ».
(Suzanne ne prend jamais de vacances, comme on peut s’en douter).
J’ai une hypothèse, que je vais questionner.
Moi : Comment ça se passait avec ton mari, avant le divorce ?
Elle : Nous avons connu une période de difficulté financière, comme lui était salarié, la variable économique du foyer c’était moi, donc j’ai travaillé davantage pour ramener des sous à la maison et nous sortir de l’impasse.
Moi : Donc tu étais moins souvent à la maison ?
Elle : Voilà, au point que c’est lui qui s’est le plus occupé de notre fille, ce qui a été l’excuse du divorce, entre autres choses.
Moi : Ce qui veut dire qu’à l’époque, tu te noyais dans le travail pour la survie de ta famille, ce qui s’est soldé par ce qu’on pourrait appeler « un échec », au sens émotionnel ; et aujourd’hui, pour quelles raisons tu continues de te noyer dans le travail ?
Elle : Je ne sais pas.
Moi : Est-ce qu’on peut imaginer que, si tu as vécu cette première expérience comme un échec, tu te sois dit qu’il valait mieux te consacrer aux autres et exclusivement aux autres, au point de t’oublier ? Vu que, quand tu travaillais « pour toi », ça n’a pas apporté le résultat que tu voulais ?
Elle : 😶
Je passe le reste de la conversation et de nos échanges.
L’hypothèse était correcte. Tout le travail qui a suivi a consisté à faire la part des choses, entre « une expérience » et « toute la vie ».
Suzanne a compris qu’elle avait le droit de dire non aux autres, de poser des limites entre sa vie et son travail.
Elle a surtout compris que ce qui avait été vécu comme un échec ne conditionnerait pas pour le reste de sa vie tout ce qu’elle pourrait entreprendre pour elle-même.
Aujourd’hui, quand elle voit sa fille, son téléphone est éteint, et elle s’organise pour avoir deux semaines de paix.
Pour construire une relation durable. Pour créer un véritable succès.