Projets à l'arrêt : les détecter, les redémarrer, les prévenir.
Comment trouver les solutions ?
7/15/202512 min read


Une entreprise, du point de vue du management de la fin du XXème siècle, sert à mener à bien des projets. Il peut s’agir d’un seul projet, d’une succession logique de projets, d’un enchaînement de projets sans rapports les uns avec les autres… mais c’est leur accomplissement qui garanti la croissance de l’entreprise.
Au croisement de questions en lien avec la Gestion du Temps d’une part, et de l’Innovation Humaine d’autre part, on trouve ces projets qui sont, pour une raison ou une autre, mis à l’arrêt.
- Gestion du Temps, parce que la mise à l’arrêt d’un projet ne veut pas dire la mise à l’arrêt du chronomètre ni de la grande horloge,
- Innovation Humaine, parce que le projet s’arrête très souvent à cause de questions humaines.
Qui n’a jamais connu la frustration de voir un projet s’arrêter, être mis au placard ? Qui n’a jamais connu l’énervement suscité par les collaborateurs récalcitrants, les refus de budgets ? Qui n’a jamais regretté le temps perdu pour des broutilles ridicules, comparées aux promesses tenues par le projet, qui ne seraient délivrées qu’à l’accomplissement de celui-ci ?
Vous savez à présent à quel point j'aime aller écouter les expériences et les points de vues de confrères dirigeants, quels que soient les sujets. Et le sujet des projets à l'arrêts fait beaucoup parler ! 18 dirigeants et entrepreneurs m'auront parlé de leurs vécus, tant dans la manière de détecter les freins aux projets dans leurs équipes, comment les interruptions sont vécues, que des démarches pour trouver des solutions aussi pérennes que possible.
Démarrons avec une pointe d'humour : "Les problèmes sont continuels, c'est bien pour ça qu'il y a un dirigeant à la tête des entreprises !" confie Eric.
Mais, est-ce qu'il peut arriver qu'une entreprise poursuive ses missions sans rencontrer d'embuches à sa croissance ou à la réalisation de ses projets ? Il semblerait que oui : Rémi se dit davantage dans une démarche de solutions a priori, d'anticipation même, plutôt que d'attendre qu'un problème puisse se produire et de devoir y consacrer de l'énergie (et du temps) a posteriori.
Serait-ce l'exception qui confirme la règle ? Frédéric part du principe, comme Eric, que c'est le quotidien du chef d'entreprise, même dans un fonctionnement pyramidal où il serait moins dans l'opérationnel que certains de ses confrères.
Détaillons : Mickaël et Pascal, par exemple, parlent de procrastination : elle se voit à tous les niveaux de la hiérarchie pour l'un, en fonction des exigences et du nombre de clients pour l'autre. Et forcément, les clients étant au cœur de la croissance et de la mission de l'entreprise, on ne les fait pas attendre... Il y a donc une problématique forte à gérer d'une part les demandes des clients, et l'abattement rencontré par la procrastination des équipes : précisons ici que c'est une procrastination de surcharge, où on repousse à plus tard ce qu'on ne peut pas faire maintenant à cause d'une surcharge de travail, et non pas une procrastination due à un découragement ou, plus simplement, à la flemme.
De son côté, Nathalie parlera de pauses, dues à des questions de ressources : budget, matériels, talents, tout est possible. Le sujet des talents semble omniprésent, toutefois. Angel le dit clairement : "Embaucher n'est pas simple, et ça rajoute des couches de boulot en plus du reste, la relation aux équipes étant centrale".
Laurent détaille : "Moins les personnes sont ouvertes ou formées, plus complexe la réalisation du projet va devenir, surtout sur des marchés en pleine évolution". Et Mireille compose avec ces mêmes difficultés, mais dans la relation entre les équipes en interne : les gens peuvent s'arrêter à des questions primaires, ne pas vouloir entrer en relation, parfois avec peu de proactivité.
Pour faire le lien entre ses confrères et ce que disait Rémi plus haut, Pierre-Nicolas voit des opportunités : "L'intérêt, c'est d'être face à des problématiques spécifiques pour nous obliger à réfléchir à des solutions auxquelles on aurait pas réfléchi sans ce problème".
On peut trouver une sorte de paradoxe chez Philippe, qui estime rencontrer plus de problème quand ses affaires ralentissent. La raison est en réalité très simple : une hausse du business va concentrer les équipes sur ce qui fonctionne, le service aux clients, les résultats qui tombent, etc ; tandis qu'une baisse d'activité fera nécessairement remonter une quantité de sujets qui n'avaient pas la place et le temps d'être considérés pendant la hausse.
Les équipes des dirigeants composent avec des problématiques tous les jours donc - sauf anticipation suprême.
Mais, les dirigeants eux-mêmes ne sont pas à l'abri de coups de freins - on l'aura vu particulièrement pendant la crise du Covid : Daniel utilise cet exemple pour décrire comment il réfléchit à ses projets, généralement sur deux ou trois ans, mais avec une remise en question permanente du fait des conjonctures. Dont, en date, celle du Covid qui a rebattu les cartes.
Comme pour les équipes, les ressources-clés comme le temps dont souvent défaut : c'est ce que dit Laurent qui admet ne pas chercher à creuser certains sujets par manque de temps, en tirant l'avantage de limiter ainsi les risques de dispersion. Choisir, c'est renoncer, disait le poète, et le dirigeant se doit souvent d'être poète à son tour.
Le manque de temps, c'est aussi le manque de recul, et Guillaume se voit souvent concerné : "Je pense même que je passe à côté de certaines problématiques, puisque je n'ai pas le recul. Le métier de dirigeant c'est aussi de les identifier et de les régler, mais c'est moins évident à titre personnel que quand il s'agit de diriger nos équipes !" Comme le dit Pierre-Nicolas, le dirigeant doit faciliter la vie aux gens en prenant des décisions. Il est possible qu'à force de décider pour les autres, le dirigeant ne veuille plus, ou ne puisse plus, décider pour lui-même.
Pour sa part, Martino confie chercher à se remettre en question très régulièrement, mais déplore de ne pas obtenir les résultats qu'il voudrait par les moyens qu'il met en œuvre. En effet, le déséquilibre entre moyens investis et résultats obtenus est source de beaucoup de frustrations chez nous autres humains, et particulièrement les dirigeants !
Quels diagnostics poser, ou proposer ?
La question est d'autant plus prégnante quand plusieurs personnes et certains clients vont jusqu'à dire, à demi-voix, que ces problèmes influent sur la qualité de leur sommeil, et de leur vie en général : sans un diagnostic correct, comment proposer des solutions efficaces ?
Bruno hésite entre la manière dont on peut ressentir le manque de temps à accorder à un projet, quel qu'il soit, et la tendance très générale à sur-estimer nos capacités - ou à sous-estimer le temps nécessaire - pour réaliser ces projets.
Comme il est très entouré d'étudiants et d'alternants, Martino constate régulièrement que les aspirations de ces derniers ne sont pas toujours en adéquation avec les projets internes de l'entreprise : "Il y a des choix à faire...", et là aussi, ces choix se paient en temps et en énergie.
De sa fenêtre, Emmanuel voit les modifications indéniables du marché du travail : "Le rapport au travail, le rapport aux autres dans le travail ont totalement changé !" On peut voir, comme illustration, la façon dont certains candidats pourraient mettre en avant certaines qualités, certains acquis, fondamentaux pour un poste et les responsabilités attendues, qui ne sont en réalité sanctionnés par aucun diplôme, aucune formation. Forcément, de tels écueils vont avoir des conséquences tant en interne, dans les capacités de communications entre les équipes, entre les managers et les managés, mais aussi entre les clients et les représentants des entreprises qui les servent. Comme nous l'avons souligné plus haut, le client reste au cœur de la mission de l'entreprise, mais les secousses ressenties sur le marché de l'emploi ne changent pas cette réalité dans les préoccupations des chefs d'entreprise.
Sans aller aussi loin, Mireille va constater des comportements symptomatiques bien connus : un collaborateur n'admettra pas toujours une méconnaissance sur un sujet, et acceptera un dossier ou un sujet sans parler de ce qui peut lui manquer pour être efficace, par peur de représailles ou de mise au placard. "Attention toutefois, rajoute-t-elle, aux personnes qui se sous-estiment et qui peuvent ainsi voir un sujet plus complexe qu'il ne l'est en réalité". Les deux faces d'une même médaille, que les indépendants connaissent derrière le Syndrome de l'Imposteur.
Pour Nathalie, les "manques" expliquent beaucoup de choses : manque de vision qui englobe l'ensemble des services, donc manque de coordination et d'alignement en interne, et manque d'outils, de méthodologie : beaucoup de sujets qui, entremêlés, coincent l'ensemble du processus de l'entreprise, et font perdre, on s'en doute, beaucoup d'argent et de temps.
D'autres hypothèses sont avancées : l'outil informatique et les logiciels datés, la dépendance de la réactivité des fournisseurs et la disponibilité de certains produits, les autorisations officielles : nombre de choses qui ne sont pas toujours anticipables et qui, au contraire, vont prendre beaucoup plus de temps que ce que nous aurions voulu ou prévu.
Il n'existe pas une solution miracle. Mes lecteurs savent parfaitement que je me méfie de tout ce qui ressemble, de près ou de loin, aux recettes miracles et aux baguettes magiques, et il aurait été étonnant que je puisse vous en proposer une aujourd'hui. La bonne nouvelle, c'est que, quelle que soit la situation qui concerne votre entreprise ou votre personne, et qui serait "bloquée", il existe une solution (au moins !). On pourrait trouver de l'inspiration dans les témoignages qui suivent, ou faire appel à un regard extérieur, avisé et aguerri.
Il reste évident de dire que des problématiques techniques ou matérielles ne se regardent et ne se traitent pas de la même façon que des problématiques managériales ou personnelles. Pourtant Philippe est optimiste : "La capacité du collectif est bien meilleure pour solutionner les problématiques quand il y a davantage d'activité, il y a une meilleure fluidité que quand le business est à l'arrêt, ce qui cause une sorte de léthargie du moral", ce qui implique de sensibiliser les salariés qui tombent dans une forme de routine du travail à la nécessité de leur transformation, ou, à tout le moins, de leur évolution. "C'est possible pour tout le monde, à tous les niveaux, tout le temps", conclut-il.
Martin se veut pragmatique : "Il y a une notion importante à apprendre à travailler avec des budgets serrés, à travailler de manière hybride (télétravail ou non), à faire confiance aux ressources humaines en créant de la flexibilité pour les salariés. C'est un principe de base pour débloquer en amont des problèmes qui finissent par arriver tôt ou tard". Dit autrement, les méthodes du passé ne sont pas indiquées pour résoudre les problématiques du présent.
Est-ce à dire que les outils et méthodes du présent sont adaptées pour résoudre les problématiques cycliques, qui ont suivi l'histoire de l'entreprise ? Frédéric parle de filtre : de quelle manière on appréhende ces problématiques, et de quelle manière on change ce filtre avec le temps et les équipes qui évoluent. Il rajoute "Ce filtre va aussi évoluer à mesure qu'on apprend de ses erreurs !" Quelle meilleure définition de l'entreprenariat que celle-ci ?
Ce que Mickaël appelle "l'état d'esprit" est pour beaucoup dans notre capacité à chercher et trouver des solutions : le fait de baisser les bras, dit-il, n'est lié qu'à notre état d'esprit. Il voudra privilégier un sentiment de satisfaction en se donnant des objectifs réalisables, en étant le plus au fait possible des moyens à sa disposition. On retrouve cette idée de l'information au préalable, dans les propos d'Emmanuel :
L'information est en effet au cœur de la méthodologie, quand on cherche une issue favorable à un problème donné. Guillaume va volontairement organiser des temps d'échanges 1) entre équipes, 2) entre équipes et managers, 3) entre managers et direction, 4) entre direction et équipes, sans les managers, pour recroiser les informations et faire circuler autant que possible des points de vues différents.
Même chose chez Daniel : à plusieurs associés, ils réfléchissent tout à plusieurs têtes pour ne pas tomber dans les pièges abscons habituels. Idem pour Adama : "Avec les associés, on va identifier les forces et les talents des membres de l'équipe managériale pour avancer sur les sujets". Seul, on peut aller plus vite, ensemble, on va clairement plus loin.
On peut aussi miser sur l'intelligence collective, quitte à agir a posteriori : Pierre-Nicolas indique, à ce titre, qu'il laisse aux collaborateur le loisir de suivre une feuille de route comme ils l'entendent, tout en regardant où et pourquoi les choses peuvent arriver à se freiner, tout en déplorant par ailleurs la frustration que ces collaborateurs peuvent rencontrer quand ils passent du temps et consacrent de l'énergie à un sujet, dont le résultat s'avère en-dessous de leur investissement.
Angel dit prendre les choses de manière philosophique, dans ce sens que tout problème ne peut pas être anticipé, et qu'ils sont rarement les mêmes une fois qu'on sait résoudre les plus évidents. Dans le même esprit, Rémi refusera d'attendre que les problèmes ne se posent et de devoir y consacrer trop d'énergie, d'où son appétence pour l'anticipation et les démarches de solutions a priori, comme on l'a dit plus haut. De la même façon, Eric dit chercher autant que possible de nouvelles façons de faire, quand bien même d'anciennes méthodes pouvaient très bien fonctionner dans le passé. Cette démarche n'est-elle pas l'esprit même de l'innovation ?
Lui aussi pragmatique, Pascal compose avec la réalité du terrain et du métier : "Le temps entre "deux coups de fusil" aide heureusement à équilibrer !", mais cet état de fait ne concerne pas tous les métiers non plus, et n'est peut-être pas souhaitable dans la durée, compte tenu du stress que ça génère dans l'équipe.
Et les clients, dans tout ça ? Si Bruno défend les idées de pédagogie, de documentation, de responsabilisation, il implique au même niveau les efforts de la hiérarchie vers les collaborateurs que ceux de l'entreprise vers les clients. Il est donc possible d'imaginer que les clients puissent être partie prenante dans les réflexions de l'entreprise, puisque l'entreprise existe pour les servir !
Les pistes de réflexion ne manquent pas. Le temps ou les moyens de les mettre en place, c'est une autre question ! Quoi qu'il en soit, je suis au service de mes clients pour ce qui concerne le Temps, et le regard extérieur pour la recherche de solutions efficaces et surtout pérennes.
Pour conclure, quelques pistes théoriques dans lesquelles piocher, le cas échéant :
1) Quels pièges éviter ?
a - chercher une solution quand le problème est mal posé : mauvais problème = mauvaise solution pour le "vrai" problème ;
b - accepter une solution a priori, sans chercher à la tester ou la contester pour mesurer sa solidité ;
c - utiliser des modèles inadaptés, qui ne s'appliquent pas aux valeurs de l'entreprise ;
d - utiliser des solutions qui ont marchées pour d'autres, sans s'assurer que les deux situations préalables sont parfaitement similaires ;
e - mal communiquer la solution : fut-elle excellente, elle doit être comprise pour être correctement appliquée.
2) Quelle démarche adopter ?
a - Spécifier, c'est-à-dire rechercher et préciser toutes les informations manquantes ;
b - Structurer, c'est-à-dire décomposer le problème avec des outils adaptés pour en voir tous les tenants et aboutissants ;
c - Solutionner, c'est-à-dire joindre aux hypothèses retenues les solutions possibles, en itérant à chaque fois ;
d - Scénariser la solution, c'est-à-dire adapter la communication de la solution retenue en fonction de la cible (on ne parle pas au Comex comme on parle aux collaborateurs d'une équipe).
3) Comment bien formuler le problème ?
a - Quel est le trouble ? Reconnaître un problème n'est pas le désigner clairement, or il faut clairement le désigner !
b - Qui est le donneur d'ordre ? Si on adresse un problème sans savoir qui est le plus concerné, la solution ne sera pas adaptée.
c - Quels sont les critères de succès ? On doit savoir ce qui valide la solution, la satisfaction du donneur d'ordre.
d - Quelles sont les contraintes ? Elles sont généralement plus spécifiques que le temps et l'argent, il y a des précisions à donner.
e - Qui participe à l'élaboration de la solution ? Les acteurs et les parties prenantes de la solution, dont il faut garder en tête les propres enjeux.
Je remercie vivement les dirigeants et entrepreneurs qui ont pris la peine de répondre à mes questions : Pierre-Nicolas Bacquet, Martino Bettucci, Eric Boutillon, Martin Delattre, Mireille Emery, Daniel Etcheverry, Nathalie Fayard, Laurent Gallo, Rémi Goutarel, Emmanuel Lafont, Pascal Mulet, Frédéric Murat, Angel Nguyen Van Ho, Bruno Rey, Adama Sarr, Philippe Soille, Guillaume Taxy, Mickaël Zibi. Cet article n'aurait pas pu être écrit sans leur disponibilité ni la précision de leurs réponses.
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