Travail asynchrone : avantages et inconvénients

D'ailleurs, qui ne travaille pas un minimum en asynchrone de nos jours ??

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Optimiser son temps et organiser les tâches dans ses journées doit passer par la distinction de ce que le dirigeant d’entreprise fait de manière synchrone, et ce qu’il fait de manière asynchrone. Avec le télétravail démocratisé pendant les confinements de 2020, les actifs ont pu découvrir les bénéfices, tout autant que les limites du travail asynchrone.

Une définition, tout d’abord : asynchrone, c’est qui ne se déroule pas « en même temps ». Deux exemples : un échange par mail est nécessairement asynchrone ; un échange téléphonique ne peut en aucun cas être asynchrone puisque les deux interlocuteurs ont une conversation au même moment.

Pendant les confinements, les salariés mais aussi les managers et les dirigeants ont découvert qu’ils pouvaient obtenir des résultats dans leur travail similaires à leurs habitudes, voire même de meilleurs résultats, en organisant leurs tâches et leurs journées autrement.

Il a beaucoup été mis en avant pour les salariés le fait que le travail asynchrone puisse réconcilier la vie professionnelle et la vie personnelle : c’est vrai, et c’est également vrai pour les dirigeants. Cependant, cette réconciliation ne m’intéresse pas. Si je travaille avec mes clients pour leur redonner le contrôle de leur temps, c’est surtout en vue de rendre leurs actions efficaces, et quoi de mieux pour illustrer mon propos qu’un de mes sujets favoris : les réunions !

Et oui : les réunions, même en télétravail grâce à la visio, peuvent durer des heures, n’avoir que peu d’intérêt, et démotiver les participants pour le reste de la journée. Certes, quelques-uns de ses participants profiteront d’être en visio pour travailler en parallèle sur autre chose (comme dans la vraie vie), au risque de louper des informations. Une réflexion asynchrone va permettre de réduire le temps de ces réunions tout en les rendant efficaces et motivantes.

Comment ?

En supprimant, ou plutôt en « asynchronisant » les parties les plus lourdes des réunions, en particulier celles où il s’agit surtout de mettre tous les participants au même niveau d’information avant que les décisions (le but de la réunion, je le rappelle) ne soient débattues ou prises.

Pour ce faire, le dirigeant chargera la personne responsable du sujet de transmettre par mail, d’où le côté asynchrone, les informations et les documents que les autres participants doivent avoir à l’esprit pour participer aux débats avant la décision : libre au responsable d’envoyer le mail quand il le veut, libres aux participants de le consulter et de s’en imprégner quand ils le veulent avant la réunion, ou de risquer de ne pas comprendre la teneur des débats.

Cet exercice asynchrone permet de réduire de plus de la moitié du temps de la réunion et se concentrer sur l’essentiel : décider. Il permet en outre de détecter les responsables de projets qui maîtrisent le flux d’information, et les tires-au-flancs qui arrivent en réunion sans avoir pris la peine de s’informer des sujets débattus.

Que de bénéfices donc.

L’inconvénient, si c’en est un, est d’être intransigeant à la fois sur les nouveaux horaires réduits et sur l’interdiction de grignoter de ce temps raccourci en faisant une fleur à quiconque n’aurait pas consulté les informations envoyées par mail.

Toute la question est donc de savoir comment identifier les parties de notre travail qui peut se faire en asynchrone et celle qui doit rester en synchrone pour augmenter notre efficacité et celle de nos équipes sur le long terme. Peut-être même que nous pourrions simplifier notre approche du « en même temps », de la synchronicité de nos actions.

L’exemple le plus universel est celui de la gestion des mails : du dirigeant au stagiaire, tout le monde en reçoit, mais rares sont ceux qui traitent leurs mails de manière asynchrone. Asynchrone à quoi, me demanderez-vous ? Asynchrone au reste de leur travail et de leurs obligations !

Traiter ses mails de manière synchrone, c’est les ouvrir en temps réel, au moment où on les reçoit, quoi que nous soyons en train de faire par ailleurs. Ce qui veut dire qu’à chaque fois qu’on interrompt son travail en cours pour lire, répondre et classer le mail qui vient d’arriver, on repousse d’autant la fin dudit travail, avec du temps perdu en plus pour se reconcentrer (mes lecteurs assidus connaissent mon aversion pour la déconcentration permanente). Un travail qui nous aurait plus une heure sans être déconcentré nous prend finalement deux heures, voire plus – avec en échange quelques mails traités.

Toutes les expériences pratiques qui ont été faites en ce sens montrent que gérer ses mails de manière asynchrone, c’est-à-dire pendant un temps spécifique et complètement détaché de nos autres tâches, génère un gain de temps : la somme du temps de travail et de celui de la gestion des mails sera toujours plus courte quand les deux sont séparés.

Le volume de mails quotidien va varier (très) fortement selon :

- la fonction,

- la taille de l’entreprise,

- le niveau d’indépendance et d’autonomie laissée aux subalternes et le niveau d’exigence des responsables,

- les réflexes de suppression des spams et de désabonnement des newsletters indésirables.

Et, de ce fait, le nombre de plages dédiés à vos mails va varier lui aussi. L’idéal est de trois :

- milieu de matinée, avec par exemple une première série de tâches avant et les réunions après,

- après la pause déjeuner,

- avant la dernière tâche de la journée et de quitter le bureau.

Ce travail asynchrone autour des mails permet de rester beaucoup plus concentré, de diminuer le stress, et de se tenir à un cadre horaire qui nous rend efficace tout au long de la semaine.

Si le temps de travail des collaborateurs varie autour des 40 heures hebdomadaires, celui des dirigeants est beaucoup plus important : jusqu’à 75h dans certains cas. Est-ce que le travail asynchrone peut nous aider à réduire notre temps de travail ? Oui, si on s’y prend de la bonne manière. On peut se poser, déjà, la question de savoir pourquoi tant d’heures de travail ? Une grande partie de la réponse réside dans un seul phénomène : l’interruption.

Si vous êtes un(e) dirigeant(e) soucieux d’être disponible pour vos collaborateurs, vous adoptez certainement la politique « de la porte ouverte » - et ça présente cet avantage d’être disponible, en effet. Ça présente également le grand inconvénient d’être dérangé en permanence, tant que la porte n’est pas fermée. Porte ouverte : synchrone ; porte fermée : asynchrone.

Les connaisseurs ont en tête la loi de Carlson : la déconcentration coûte cher en temps perdu* puisque se reconcentrer demande en moyenne dix minutes, sans compter le temps passé à traiter l’objet qui nous a déconcentré au départ. Imaginons une PME de 40 personnes qui peuvent individuellement solliciter le dirigeant, et qu’ils le font tous les jours : on a en théorie 400 minutes soit tout de même 6h45 passées en flottement tous les jours, soit 33h20 par semaine : le compte y est ! Heureusement que la réalité est différente, mais tout de même !

Deux possibilités, cumulables qui plus est :

- s’autoriser à avoir des moments « porte fermée » avec la consigne expresse de ne pas être dérangé(e) pendant ces moments-là. Ces moments servent à se concentrer justement sur des dossiers de fond, et les moments « porte ouverte » servant à des tâches rapides (signer les parapheurs, répondre à des mails rapides, etc.

- garder les dossiers les plus sensibles, c’est-à-dire ceux qui exigent le plus de votre concentration, pour les traiter non pas au bureau mais à la maison. Et là encore, il s’agit de procéder avec précaution : avez-vous un vrai bureau à la maison qui permette de vous sentir dans votre élément ? Avez-vous négocié avec votre compagne quel tel soir sera consacré à votre travail et non pas à votre couple ?

Cet aspect asynchrone de votre travail va réduire votre volume d’heure tout en augmentant la qualité de vos actions. Tout bénef non ?

Le travail asynchrone présente des limites, qui naissent de la manière dont les gens sont différemment constitués et interagissent entre eux. J’ai ainsi accompagné un couple d’entrepreneurs aux façons de travailler très différentes, ce qui pouvait causer des frustrations aux deux dans leur manière de travailler et de se sentir efficaces.

Arnaud est le marathonien, avec un profil très analytique : face à une situation donnée, il va avoir une idée bien précise. Il réfléchira dessus à fond avant de parler de sa solution à Justine. Justine est sprinteuse tout en ayant parfois du mal à suivre Arnaud dans ses idées, et va avoir besoin de temps pour se mettre à niveau. C’est là que « l’asynchronicité » de leur relation fait défaut : non seulement Arnaud ne dit pas à Justine qu’il est en train de réfléchir à telle solution par rapport à un problème donné, mais elle se sent à la traîne quand il passe à l’exécution de la solution qu’il a imaginé dans un premier temps tout seul avant de l’informer.

Il est donc fondamental de connaître notre propre manière de travailler et d’avancer dans les projets, tout autant que de connaître la manière de travailler des autres (associés, collaborateurs, subordonnés, partenaires) pour trouver le mode de fonctionnement optimal. Ce mode de travail d’équipe ne peut pas être exclusivement synchrone ou asynchrone mais un mélange subtil des deux. Pour trouver le vôtre, pas de mystère : tester, apprendre, modifier, recommencer !